La carte de membre
Un temps, j’eus une manière de conscience politique.
Elle s’éveilla, je pense, le jour de l’assassinat du président Kennedy; j’avais huit ans et je pus rester debout, devant la télé, aussi tard que les adultes. Elle s’endormit, comme la Belle au bois, vers la fin de ma première année au cégep de Sainte-Foy; j'avais assisté à la nuit du cinéma, mais ne voyez là qu’un subtil effet de symétrie.
Après avoir été sympathisante du Crédit social, à quatorze ans je devins souverainiste.
Il y eut des élections, aux résultats désolants pour M. Lévesque et son équipe. Les haussements d’épaules, les sourires en coin du chef, l’embarras avec lequel il accueillait applaudissements et acclamations, et puis les chaudes accolades que se donnaient ses collaborateurs, avec quelle émotion je regardais tout cela. À part moi, j’établis alors des rapprochements audacieux, mais combien exaltants, avec des scènes de Quo vadis? et de Fabiola ou l’Église des catacombes.
J’écrivis à M. Lévesque. Je lui dis de ne pas se décourager; j’exprimai le regret que mon jeune âge ne me permît pas d’adhérer au parti. Je reçus une réponse avec, au bas, deux lignes manuscrites signées «RL» : La carte de membre, c’est moins important que d’approfondir vos convictions et de les rendre «contagieuses»!
Mes convictions..., il n’a pas fallu creuser jusqu’en Chine pour en dégager la substance : mieux vaut m’occuper de grammaire que de politique.
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- Des travailleurs d’élections et des hommes d’affaires véreux contournent les législations québécoises et fédérales sur le financement des partis.
Une société a besoin de lois, c’est entendu; et l’ensemble des lois en vigueur dans un État, ou dans un domaine déterminé, cela constitue la législation. Il ne saurait donc exister plusieurs législations québécoises – ni plusieurs législations fédérales – sur le financement des partis, tous les citoyens étant soumis, en principe, aux mêmes lois; les deux adjectifs, ici, devraient être au singulier, bien qu’ils se rapportent à un nom pluriel :
- [...] les législations québécoise et fédérale sur le financement des partis.
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Après les scandales récents, est-il possible d’imaginer un politicien encore capable d’écrire à la main cette phrase désintéressée que l’on adressa, un jour, à une campagnarde de quatorze ans?
Vous me ferez observer qu’on aurait pu s’abstenir de guillemeter contagieuses. Mais il y a des scrupules qui honorent.
Line Gingras