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La plume heureuse
8 juin 2005

Comment l'on apprête les pissenlits

Les anges les anges dans le ciel / L’un est vêtu en officier / L’un est vêtu en cuisinier / Et les autres chantent (Apollinaire)

Pendant trois ou quatre ans, j’ai été morte.

Vous ne le saviez pas? Je l’ignorais aussi. J’ai dû dormir tout ce temps, mollement allongée sur le nuage Lactantia, et c’est pourquoi sans doute je ne sais toujours pas apprêter les racines de pissenlits.

J’ai donc causé une certaine émotion à un grand ami, perdu de vue depuis un quart de siècle, en lui faisant parvenir un courriel, la semaine dernière, à une adresse que j’espérais bonne : il ne me l’a pas avoué tout de suite, mais il avait appris quoique se refusant à y croire, de source très proche de ma famille, très sûre d’elle-même et très empressée à lui communiquer la nouvelle, non seulement que j’étais morte, mais encore que je m’étais laissée mourir de faim.

Moi qui ai toujours eu si bon appétit.

Non seulement..., mais encore (ou non seulement..., mais, mais même, mais aussi); voilà un tour à l’origine de bien des constructions branlantes :

Non seulement il craint que l’on déforme son propos, mais aussi que l’on porte un jugement qui sera transmis au public...

Les élèves devront non seulement pratiquer les disciplines artistiques pendant tout le secondaire, mais leur diplôme ne leur sera remis que s’ils ont réussi le cours d’art de la dernière année.

Pourtant c’est une expression bien utile pour les mises en relief, non seulement..., mais encore. Et son emploi n’a rien de malaisé; il exige toutefois de l’attention, parce que l’on doit veiller à ce que les éléments qui suivent les deux composantes de l’expression soient symétriques : les deux mots ou groupes de mots, pour se trouver opposés l’un à l’autre, doivent exercer la même fonction.

Voyons ce qui ne va pas dans le premier exemple ci-dessus : non seulement introduit un verbe accompagné de son sujet (il craint), alors que mais aussi précède un complément d’objet direct du verbe craindre (une proposition subordonnée commençant par la conjonction que). Pour rétablir l’équilibre de la phrase, on doit faire en sorte que les deux éléments opposés soient constitués ou bien par un verbe accompagné de son sujet, ou bien par un complément d’objet direct du verbe craindre. Parmi les formulations possibles :

Non seulement il craint que l’on déforme son propos, mais encore il veut éviter que l’on porte un jugement qui sera transmis au public...

Il craint non seulement que l’on déforme son propos, mais aussi que l’on porte un jugement qui sera transmis au public...

Réexaminons maintenant le second exemple fautif : dans ce cas-ci, non seulement introduit un infinitif indiquant en quoi consiste l’obligation exprimée par le semi-auxiliaire devoir (devront non seulement pratiquer...), alors que mais précède un ensemble de propositions (principale et subordonnée) pouvant à lui seul former une phrase complète. Pour obtenir une construction symétrique, il nous faut opposer soit des propositions équivalant à des phrases complètes, soit des infinitifs précisant l’idée d’obligation rendue par devoir :

Non seulement les élèves devront pratiquer les disciplines artistiques pendant tout le secondaire, mais leur diplôme ne leur sera remis (ou mais ils n’obtiendront leur diplôme) que s’ils ont réussi le cours d’art de la dernière année.

Pour obtenir leur diplôme, les élèves devront non seulement pratiquer les disciplines artistiques pendant tout le secondaire, mais réussir le cours d’art de la dernière année.

Voilà. Construire une phrase, c’est comme jouer avec un Lego.

Et de m’amuser autant, moi, ça me donne faim... Vous n’auriez pas une recette, pour toutes ces dents-de-lion dont je ne sais que faire? (Je me contenterai des feuilles, pour l’instant.)

Line Gingras

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